La desarpa

Quand l'automne arrive avec sa fraîcheur et que le givre au matin couvre les hauts pâturages, vaches et bergers laissent les alpages après plus de cent jours d'estive et descendent vers les villages

Désarpa 2016, Saint-Nicolas, Vallée d'Aoste, photo de B.Domaine
Désarpa 2016, Saint-Nicolas, Vallée d'Aoste, photo de B.Domaine

Depuis 2013, vers le début d'octobre, Saint-Nicolas est le théâtre d'un événement spectaculaire qui voit le passage saccadé et majestueux de plusieurs centaines de vaches appartenant aux différents alpages de la combe de Vertosan : enrubannées et fières, les reines ouvrent le cortège marchant à côté des hommes qui se sont occupés d'elles pendant tout l'été.  Depuis plusieurs longues minutes le ryhtme cadencé des sonnailles annonce déjà l'arrivée du troupeau et les habitants de la commune, les passionnés des vaches, les amis des alpagistes, tout le monde, se rassemble le long de la route pour assister à ce moment solennel. Tous les troupeaux trouvent place dans les prés de Fossaz, situés entre le chef-lieu et l'église, tandis que les humains se rassemblent à quelques mètres de là, dans le mugissement général, dans le secouement des sonnailles, dans l'atmosphère festive.

C'est la fête tant attendue, au bout de cent jours (ou plus...) d'estive. À l'alpage, les rythmes de travail sont harassants surtout pendant que la lactation bat son plein : traire, fabriquer la fontine, aller au pâturage, soigner le bétail... L'isolement des arpians est dur à supporter et le jour de la descente des alpages ils sont contents de retrouver toute la communauté. À Saint-Nicolas, la fête est voulue et gérée avant tout par les conducteurs des alpages et leurs familles : c'est leur fête et les personnes qui arrivent de l'extérieur reconnaissent le privilège d'assister à un événement local vécu comme authentique par ses propres organisateurs et non pas organisé pour les touristes. La desarpa de Saint-Nicolas est un révélateur du tissu social local et de ses logiques internes, notamment de la complicité d'une communauté fondée sur la parole, sur la chanson et sur la référence à un patrimoine commun. Si le spectacle est garanti, force est de reconnaître qu'il a ses rythmes bien à lui, donnés par les vaches et les humains, et qu'il invite à écouter et à sentir, à regarder et à penser... Penser autrement la tradition, le folklore, le tourisme. Chercher autre chose dans la nature et dans la montagne. Une invitation à comprendre, au-delà des cartes postales, des blogs et des produits commerciaux, à poser des questions, à chercher les vraies questions... 

Vidéo de la desarpa du 5 octobre 2013

Le rôle du Cefp

Le Cefp est l'observateur attentif et décalé des dynamiques sociales et des représentations culturelles qui sont les ressorts de la fête. Un observateur participant dans la mesure où il coordonne la réflexion en poussant le plus loin possible le débat et en favorisant les échanges entre les différents acteurs. À côté d’une collecte de données auprès des éleveurs et des autres partenaires de l’organisation (notamment la Commune de Saint-Nicolas et les commerçants), des entretiens plus structurés ont eu lieu au fil du temps, afin de documenter la genèse de la fête et son évolution. 

L'exposition Eun atendèn la dezarpa... aménagée au Musée Cerlogne dans l'été 2013 marque un jalon dans le cheminement d'une réflexion collective que le Cefp entend continuer à suivre : après avoir déconstruit le modèle de la fête traditionnelle organisée pour les touristes, le Cefp étudie un travail collectif qui est un exemple remarquable de patrimonialisation du bas.

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